Le Code Ethique de Conduite Professionnelle en Kinésithérapie, un des trois piliers d’une profession autonome et reconnue en Roumanie.

- par courtoisie de François PLAS et Prof.Dr. Doina Marza -

 

1. Introduction

 

L’essor de la kinésithérapie en Roumanie a de beaux jours devant lui, il faut s’y attendre. C’est que, pour les kinésithérapeutes roumains, l’autonomie ne manque pas de charme. Dans l’évolution de la profession qui, depuis quatre ans a su se mettre au diapason international les plus imaginatifs et progressistes des kinésithérapeutes roumains ont toutes les chances d’émouvoir les patients et les autorités, en constituant un vrai corps social reconnu et doté d’un code éthique de conduite professionnelle.

Il faudrait être sourd pour ne pas entendre les voix de ceux qui dressent l’inventaire des bienfaits de la kinésithérapie, et les professionnels roumains ont des oreilles pour les entendre. Parcourant les territoires de la sociologie, les kinésithérapeutes doivent s’emparer des concepts fondateurs pour construire leur profession autonome et intégrée dans le système de santé roumain.

 

2. Bases sociologiques scientifiques

 

La définition de « l’autonomie fonctionnelle » d’une profession de santé a été décrite en premier par Freidson E. (1970) : « L’autonomie fonctionnelle d’une profession de santé se mesure par la capacité à effectuer son activité en dehors d’une supervision médicale et par la possibilité d’attirer indépendamment sa propre clientèle. »

L’exercice professionnel autonome repose sur trois caractéristiques spécifiques décrites par les sociologues des organisations ( Dubar, France ; Jobert, France ;Koeher, U.K. ; Freidson, U.S.A.)

Un corpus de connaissances scientifiques spécifiques qui définit une activité reconnue par l’état et contrôlée par une organisation professionnelle.

Une formation et une qualification ayant des contenus et un niveau universitaire d’entrée et de sortie définis par la profession.

Un code éthique de conduite professionnelle définissant l’organisation des relations intra et inter professionnelles.

Ces points fondamentaux servent de base à la « World Confederation of Physical Thérapy » (W.C.P.T.) pour proclamer en 2007 sa Déclaration de Principe :

 

« Chaque kinésithérapeute, soucieux de répondre aux besoins des patients doit avoir la plus grande autonomie professionnelle pour exercer son jugement professionnel s’il travaille à la promotion de la santé, le traitement et la réhabilitation des patients dans le cadre de ses connaissances et de ses compétences ».

 

3. Corpus de Connaissances Scientifiques Spécifiques ( premier pilier)

 

Définition de la Kinésithérapie :

 

« La kinésithérapie offre des services aux individus et aux populations pour développer, maintenir et restaurer le maximum de mouvements et de possibilités fonctionnelles tout au long de la vie.

Ceci comprend une offre de service dans les circonstances où le mouvement et les fonctions sont menacées par  l’âge, les blessures, les maladies ou des facteurs environnementaux.

Le mouvement fonctionnel est central pour la bonne santé.

La kinésithérapie s’occupe à identifier et à maximiser la qualité de la vie et le potentiel de mouvement dans les secteurs de  la promotion de la santé, la prévention, le traitement et la réhabilitation.

Ceci comprend le bien être physique, psychologique, émotionnel et social.

La kinésithérapie implique l’inter action entre le kinésithérapeute, les patients, les autres professionnels de santé et les familles dans un processus où le potentiel de mouvement est évalué et où les objectifs concordent avec les connaissances et les compétences spécifiques des kinésithérapeutes ».

D’après W.C.P.T. 2007

 

Définition de la Kinésiopathologie :

 

« La kinésiopathologie est une science à la fois clinique, expérimentale et empirique spécifique à la kinésithérapie.

Cette science et ses applications présentent une base théorique assez large pour développer des savoirs et une recherche sur le disfonctionnement du mouvement humain.

A partir de ces bases scientifiques la kinésithérapie a le privilège de placer le mouvement fonctionnel comme point central dans la santé.

D’après Helen Hislop 1975

 

Référentiel d’activités :

 

- L’exercice de la kinésithérapie est basé sur la mise en œuvre de « l’intégration théorie/ pratique.

- Activités spécifiques (Thérapie, Santé, Education, Processus Kinésithérapique)

- Activités génériques ( Information, Communication)

- Evaluation et Recherche

- Développement personnel et professionnel ( Formation tout au long de la vie, Gestion du Travail)

 

Référentiel de Compétences :

 

La nature très diverse et spécifique de la kinésithérapie nécessite un ensemble de compétences qui doivent être développées au cours de la formation et tout au long de la vie professionnelle.

- Compétences cognitives et conceptuelles ( Savoir)

- Compétences génériques ( Etre)

- Compétences méta- cognitives ( Connaître)

- Compétences sociologiques ( Agir)

- Compétences pratiques ( Faire)

 

4. Formation et Qualification ( deuxième pilier)

 

La formation et la qualification des kinésithérapeutes en Roumanie se sont fondamentalement modifiées ces dernières années en raison de :

- du développement scientifique et technique qui élargi l’intervention des kinésithérapeutes aux domaines : musculo-squelettique, neuro-musculaire, cardio-respiratoire, interne, cutané et sous cutané.

- du changement dans les attentes des patients qui considèrent la santé comme une valeur sûre et attendent une réponse individualisée à leur problème.

- l’environnement européen qui exige d’inscrire notre formation dans le dispositif Licence, Master, Doctorat. ( L.M.D.)

- le changement de la société qui oriente la didactique vers l’acquisition de compétences et la pédagogie vers l’autonomie d’apprentissage.

 

Référentiel de Formation :

 

Le processus d’apprentissage et d’enseignement est évolutif et progressif. Il lie les connaissances théoriques et l’application clinique à travers un programme de formation développant :

- des Compétences cognitives et conceptuelles : acquérir et reconstruire ses connaissances pour comprendre la relation réciproque théorie/pratique.

- des Compétences cliniques et techniques : apprentissage par l’expérience

- des Compétences sociales : prendre conscience de la diversité culturelle, des valeurs, des croyances et des facteurs sociaux rencontrés dans l’exercice de la kinésithérapie.

- des Compétences génériques : résolution de problème, raisonnement clinique, communication et méthodologie de recherche.

 

Programme de Formation :

 

A la Faculté des Sports de l’Université de Bacau nous avons depuis quatre ans modifié notre programme de formation en kinésithérapie en suivant « Education Policy Statement » élaboré par « European Region of W.C.P.T. » et les directives de Bologne.

Nous délivrons deux grades universitaires :

- Bachelor trois années spécifiques à la kinésithérapie. 180 European Credit Transfert System ( E.C.T.S.)

- Master deux années. 120 E.C.T.S.

Le curriculum est construit en « Unités d’Enseignement » ( U.E.) qui permettent d’acquérir les compétences requises pour chacun des niveaux

L’enseignement est donné à 80% par les kinésithérapeutes.

Les étudiants formés selon ce nouveau schéma peuvent aisément participer aux programmes européens de mobilité Erasmus, Socrates.

 

5. Code Ethique de Conduite Professionnelle ( troisième pilier)

 

Un code éthique de conduite professionnelle comporte l’ensemble des règles que les professionnels et les étudiants régulièrement inscrits s’engagent à respecter dans le cadre d’une organisation professionnelle reconnue par l’Etat. Cette institution professionnelle pourrait être la Fédération Roumaine de Kinésithérapie qui avec les représentants de l’Etat construirait un référentiel normatif administrant et contrôlant l’exercice de la kinésithérapie.

Cette structure adoptée dans beaucoup de pays de droit permet aux kinésithérapeutes de contrôler, de réguler et de faire évoluer l’exercice de la profession au bénéfice des patients.

La connaissance et l’adhésion au code éthique de conduite professionnelle est une partie importante du contrat qui lie l’organisation professionnelle à ses membres kinésithérapeutes dans sa fonction d’auto régulation.

Les règles instituées dans un code éthique de conduite professionnelle en kinésithérapie ont trois origines qui donnent à ce texte un sens à la fois disciplinaire mais aussi évolutif au profit de la profession.

La transcription des législations existantes en Roumanie ( exemple : secret professionnel, maltraitance, autonomie et consentement du patient …)

Ces domaines relèvent à la fois du droit général et des règles de l’organisation professionnelle.

Les dispositions d’origine philosophique et morale qui donnent des repères pour guider les professionnels dans des problèmes de conscience ( exemple : examiner et soigner avec la même conscience toutes les personnes, entretenir et perfectionner ses compétences…)

Les dispositions réglementaires techniques qui sont normatives et organisationnelles (exemple : cabinet privé, convention avec un employeur, montant des honoraires…)

Nous pensons que notre « Fédération Roumaine de Kinésithérapie » doit construire nos règles de fonctionnement et d’exercice sur l’idée de progrès plutôt que sur celle d’un conservatisme restrictif en nous inspirant de la structure en 8 points proposée dans « Ethical Principles » par la World Confédération of Physical Therapy et en l’adaptant à la législation Roumaine.

Pour concrétiser cette position nous proposons comme exemple des extraits du texte adopté par nos collègues européens de Grande Bretagne (U.K) de la « Chatered Society of Physiotherapy » en 2002.

 

Règle 1. Champ d’exercice

 

Les kinésithérapeutes doivent pratiquer dans la mesure où ils ont établi, maintenu et développer leurs compétences pour travailler en toute sécurité et qu’ils ont les capacités professionnelles appropriées pour cet exercice.

 

  • Champ de la pratique professionnelle
  • Champ de la pratique individuelle
  • Développement continu des compétences professionnelles
  • Développement et innovation de la pratique
  • Devoir de soigner et responsabilité civile
  • Responsabilité professionnelle et assurances
  • Délégation

 

Règle 2. Relations avec les Patients

 

Les kinésithérapeutes doivent respecter et maintenir les droits, la dignité et les sensibilités individuelles de chaque patient.

 

  • Consentement éclairé
  • Toucher les patients
  • Recueil de données et enregistrement
  • Répugnance à traiter un patient particulier
  • Utilisation d’accompagnants aux soins
  • Patients et leurs refus des soins
  • Relations inappropriées avec les patients
  • Considérations légales d’exercice en cabinet
  • Considérations légales d’exercice salarié

 

Règle 3. Confidentialité

 

Les kinésithérapeutes doivent assurer la confidentialité et la sécurité des informations recueillies dans leur exercice professionnel.

 

  • L’équipe pluri-professionnelle
  • Recueil de l’information
  • Extraction de l’information
  • Sécurité de l’information

 

Règle 4. Relations avec les autres professions et les responsables

 

Les kinésithérapeutes doivent communiquer et coopérer avec les autres professionnels et les responsables dans l’intérêt et avec le consentement de leurs patients. Ils doivent éviter les critiques inappropriées.

 

Règle 5. Devoir d’information

 

Les kinésithérapeutes doivent informer toutes les autorités compétentes des circonstances qui peuvent mettre en danger les patients ou toute autre personne

 

Règle 6. Publicité

 

Les kinésithérapeutes doivent assurer que la publicité sur leurs activités professionnelles est restreinte et précise

 

Règle 7. Vente de services et de matériels

 

Les kinésithérapeutes ne doivent pas vendre, fournir ou promouvoir la vente de services ou de matériels autres que les actes de kinésithérapie dans le cadre de ses relations avec ses patients.

 

  • Installer une entreprise fournissant des équipements
  • Endosser des revenus de la vente de produits

 

Règle 8. Principes personnels et professionnels

 

Les kinésithérapeutes doivent adhérer à tout moment aux principes personnels et professionnels qui représentent les valeurs de la profession.

 

  • Condamnation par la justice
  • Procédure disciplinaire par le bureau de la Fédération des kinésithérapeutes
  • Procédure disciplinaire engagée par un employeur
  • Conduite personnelle dérogeant à la réputation de la profession

 

Conclusion

 

L’intégration et la reconnaissance par l’Etat d’un « Code Ethique de Conduite Professionnel » dans un ensemble cohérent et dirigé par une Fédération Professionnelle sont porteurs d’avancées importantes dans l’évolution vers l’autonomie de notre profession.

La mise en œuvre de ces règles doit assurer la logique de conformité à la discipline professionnelle mais doit surtout promouvoir les deux autres piliers de l’autonomie professionnelle, « le corpus de connaissances scientifiques » et la « formation »